L’académie militaire de West Point

Source : Cin Echo n° 12

west point insigneElle fut établie officiellement le 4 juillet 1802, à la même époque que Saint-Cyr en France. Depuis lors, l'histoire militaire de la nation américaine se confond avec cette institution qui lui a donné ses grands chefs militaires.


Le général Henri Fox, l'un des fondateurs de la société des Cincinnati, proposa avec le colonel Alexandre Hamilton, la création d’une école militaire et, dans une lettre écrite deux jours avant sa mort, Washington appuyait cette démarche car il estimait nécessaire de former des officiers qui avaient tant manqué, selon lui, pendant la guerre d'indépendance. Finalement, sur le conseil du président Jefferson, le congrès autorisait la création de l'académie militaire de West Point le 16 mars 1802.
west point tableauWest Point, situé sur un plateau de la rive gauche de l’Hudson, dans un site d’une rare beauté à 80 km au nord de New York, occupait une position militaire stratégique pour le contrôle de la rivière et la défense de la vallée de l’Hudson alors que les Anglais cherchaient à couper en deux la colonie. Ainsi dès 1778, les chefs militaires de la guerre d'indépendance, Washington, Knox Hamilton, comme La Fayette, manifestaient par leur présence en ce lieu, l'importance de cette position stratégique.
L’académie a formé tous les grands chefs militaires américains : ceux de la guerre de sécession, Lee et Jackson, Grant (qui fut président des États-Unis) et Sherman parmi tant d’autres, comme ceux des deux guerres mondiales : Pershing, commandant des forces américaines en France (1917-1918) ou plus près de nous, Eisenhower (qui fut également Président des États- Unis), Mac Arthur, Patton et Bradley. Dans une période plus récente, citons Westmoreland au Vietnam, Schwarzkopf qui commanda la coalition pendant la première guerre du Golfe ou même Richard Stilwell qui a marqué une génération d’officiers : jeune officier, il débarqua en Normandie, et comme officier supérieur au SHAPE, écrivit la doctrine de la riposte graduée qui fut la référence pendant toute la guerre froide. On peut également évoquer John S. Grinalds, premier cadet de West Point à choisir les Marines, qui s’est distingué avec deux séjours au Vietnam. Il faut également savoir qu'un membre de la famille impériale, américain par sa mère, Jérôme-Napoléon Bonaparte-Patterson II, a été formé à l'académie. Sorti dans la cavalerie, il servit dans l’armée américaine au Texas puis au retour au pouvoir de son cousin Napoléon III, il s’engagea dans l'armée française et participa brillamment aux campagnes de Crimée, d'Algérie, à la bataille de Solferino puis à celle de Sedan avant de revenir mourir aux États-Unis, sa patrie.
Le Superintendant de West Point de 1817 à 1833, le colonel Sylvanus Thayer, est considéré comme le véritable père de l'école. Il établit un système d'éducation toujours en vigueur basé sur l’aptitude scolaire, l'intégrité et le développement du caractère. Il vint en France pour se familiariser avec l'instruction donnée à l'école Polytechnique ce qui explique que West Point fut dès le début de son existence, préparée à former des officiers du génie et d'artillerie, contrairement à Saint-Cyr. Routes et chemins de fer à travers le pays furent ainsi l'œuvre d’anciens de West Point et c’est également un ancien, George Washington Goethals, qui supervisa à partir de 1903, l’achèvement du canal de Panama.
Institution de la Nation et symbole de sa tradition militaire, cette Académie a choisi pour insigne le casque et l’épée de Pallas Athéna, la déesse grecque de la sagesse, des sciences et des armes, qui symbolisent le système d’éducation dans la paix et dans la guerre. Fidèle à sa devise « Devoir – Honneur – Patrie », elle forme les Cadets par la qualité de son enseignement, tout en développant leur caractère et leur sens de l’honneur, leur permettant ainsi d’assumer leurs responsabilités. Nombre de ceux qui ont suivi cette formation avant de passer dans la vie civile où ils occupent des postes de dirigeants, restent marqués par son esprit et ses méthodes.
L’admission à West Point est basée sur un recrutement défini par la loi et les candidats sont choisis selon différents critères :

  • candidats dont les parents sont en activité dans l’armée américaine ;
  • candidats dont un parent est mort au champ d’honneur ;
  • candidats des titulaires de la Médaille d’Honneur (MoH) du Congrès ;
  • candidats des propositions des sénateurs et représentants de chaque État ;
  • candidats désignés par l’Académie elle-même.

Ils doivent suivre un cours pour compléter leurs connaissances et être admis ultérieurement à suivre une préparation d’une année dans un établissement militaire dirigé par l’Académie.
On trouve également des engagés volontaires provenant des corps de troupe, de la garde nationale, des filles et fils des grands invalides qui doivent de même suivre l’année préparatoire. West Point reçoit aussi des cadets étrangers pour la durée de la scolarité. Enfin chaque candidat doit subir des tests physiques (très sévères sur le plan des performances) et de culture générale (très rigoureux) comme ceux des Collèges et des Universités : College Board Scolastic Assesment Test (SAT) ou American College Testing (ACT). Malgré cette présélection, le pourcentage des éliminés est important au cours des quatre années d’études.
Chaque année, West Point admet entre 1 150 et 1 200 candidats, qui viennent des quatre coins des États-Unis et représentent toutes les races, religions et cultures du pays. Le corps des Cadets forme une brigade [4000 Cadets garçons (85 %) et depuis 1976, filles (15 %)], à quatre régiments constitués de deux bataillons chacun, chaque bataillon étant à quatre compagnies. Chaque Cadet bénéficie d’une scolarité gratuite et reçoit une solde de plus de 6 500 $ par an, qui comprend le coût de l’uniforme, les livres et la fourniture d’un ordinateur personnel. Après quatre ans d’études, il reçoit le diplôme de Bachelor en Sciences et le grade de sous-lieutenant. À la sortie, les Cadets choisissent leur arme et ont une obligation de servir de cinq ans. Aujourd’hui les garçons sont attirés tant par la réputation de l’École que par le désir d’être officier ou de rester dans la lignée des traditions, tandis que les filles choisissent plutôt sur des critères de qualité de l’enseignement. La question peut se poser d’un changement des motivations. Si dans le passé, la défense du pays, l’action, les idéaux furent déterminants, maintenant que l’Armée est orientée vers des opérations de maintien de la paix ou l’action humanitaire, cette motivation pour le métier des armes pourra-t-elle rester identique ? À noter enfin qu’à l’issue de l’obligation de servir de cinq ans, 70 % d’une promotion quittent l’armée.
macarthur douglasEn conclusion de ce rapide historique, on peut évoquer le discours du général Mac Arthur, ancien commandant de l’École entre les deux guerres, qui lors de sa dernière visite le 12 mai 1962 pour recevoir la distinction Thayer, créée pour ceux qui ont le plus contribué au rayonnement de l’académie, déclara :

« Devoir – Honneur – Patrie : ces trois mots sacrés :
Ce qu’on doit être
Ce qu’on peut être
Ce qu’on sera… »